LES PLANTES

Il est temps d'explorer

Le phénomène de l’anesthésie… sur les plantes !

💉 Saviez vous qu’il est possible d’anesthésier une plante ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment la recherche travaille sur l’anesthésie chez les organismes non animaux ? 🍀

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6/25/20247 min read

Saviez vous qu’il est possible d’anesthésier une plante ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment la recherche travaille sur l’anesthésie chez les organismes non animaux ?

Bienvenue dans cet épisode où nous allons explorer les capacités des plantes à être anesthésiées, un sujet que l’on connait bien ! Ce qui fait que nous avons à cœur de vous partager cet épisode mais pas seulement, c’est aussi car tout le long de celui-ci, vous aurez l’occasion d’entendre des chroniques sur des expériences d’aujourd’hui.

Enregistrement des chroniques d'articles scientifiques par les étudiants de Master 2 Espace et milieu : territoire écologique et du M2 Ecosystème et biodiversité : expertise écologique de l’Université Paris Cité

Thomas BOISSONNADE, Lili PASQUET, Aurelien SAVARIT, Evelyne VANDENBROUCQUE, Andrea BOUALAVONG, Clement LENORMAND et Zoe MICHEL.

L’anesthésie est un phénomène qui est largement utilisé de façon volontaire en médecine animale. Elle vise en particulier l'absence de conscience, l'absence de sensation douloureuse et le relâchement des muscles sans réflexe végétatif permettant de réaliser des interventions ou de supprimer la sensibilité à la douleur tout en continuant de respirer et d’avoir le cœur qui bat.

Utilisée depuis plus de 150 ans en médecine, de nombreuses personnes ont été anesthésiées. Que ce soit en anesthésie locale ou générale. L’anesthésie se présente sous ces deux formes : locale et générale. Chacune d’entre elle possède sa propre définition : L’anesthésie locale renvoie à une perte de sensibilité, et l’anesthésie générale plutôt à une perte de conscience.


Dès le 9ième siècle, des élixirs à base de plantes ont été utilisés pour éviter la douleur. D’ailleurs, une grande majorité des anesthésiques qu’on utilise actuellement sont dérivé ou associés à des produits provenant de plantes : comme par exemple la cocaïne, venant du coca (Erythroxylum coca, Erythroxylaceae), un anesthésique local ou encore le thymol et eugénol, venant du thym (Thymus vulgaris, Lamiaceae). Les plantes ont un grand nombre de molécules anesthésiantes, qui leurs servent de moyen de défenses.

Paracelse, 16e siècle (1493-1581) découvre les propriétés anesthésiantes de l’éther mais ce n’est qu’en 1846 que William T. Morton utilise les effets anesthésiants rapides et réversibles de l'éther pour une intervention chirurgicale. Cette découverte a rapidement révolutionné la médecine mais s'est avérée difficile à expliquer, à comprendre.

Claude Bernard a émis l’hypothèse que tout le vivant était anesthésiable au 18e siècle. Aujourd’hui c’est une vérité. Mais ce n’est pas étonnant. Déjà, à l’origine, Nous sommes issus d'un organisme unicellulaire (une seule cellule), proche des bactéries, (-3,8 millia rds d'années). Sur 3,9 Ga, deux tiers de l’histoire évolutive ont donc été communs avant que les lignées qui conduisent aux plantes et aux animaux ne divergent. Donc ce n’est pas impensable que nous ayons des mécanismes communs.


Le fait est que tout le vivant est anesthésiable, et en voilà quelques exemples :

  • Chez l’humain, ça entraîne : Inconscience, amnésie, analgésie et immobilité

  • Chez E. Coli, une bactérie, des chercheurs ont pu voir que l’Isoflurane, un anesthésique allait affecter la motilité bactérienne et la formation de biofilm.

  • Et en ce qui concerne les plantes, nous allons développer un peu plus le sujet voir qu’elles le sont, ainsi que les champignons.


Le terme anesthésie vient du grec "anaisthêsia" qui signifie insensibilité.

Dès 1771, on retrouve dans des registres traitant de pathologie le terme d’anesthésie qui est définie comme “la privation ou l’affaiblissement de la sensibilité ” . En 1847, une note de compte rendu de l’académie des sciences parle également de “suppression de la sensibilité par certaines substances”. Dans ces écrits, il est fait référence à l'éther et au chloroforme qui sont les premiers composés pour lesquels ont été observés un effet anesthésiant sur l’animal.

Aujourd’hui, les recherches sur les mécanismes d'action des anesthésiques sont toujours en cours. Nous allons en discuter tout le long de cet épisode.

Comme on l’a dit précédemment, Claude Bernard au 19e siècle, a émis l’hypothèse que tout le vivant partageait cette capacité à être anesthésié. Il a effectué des recherches sur le Mimosa pudica : c’est une plante à mouvement rapide (que nous pouvons voir avec nos yeux), cette plante referme ses feuilles quand on la touche, elle n’est pas carnivore, on l’appel également “la sensitive”. Je vous invite d’ailleurs à aller voir des vidéos si vous ne connaissez pas, c’est très beau.

Il l’a mis sous une cloche avec de l’éther et a observé qu’elle ne répondait plus à la stimulation du toucher: la plante est anesthésiée. Une fois qu’elle était restée avec l’éther, elle ne fermait plus ses feuilles au moment où on la touchait. Aujourd’hui les travaux autour des anesthésiques et des effets des végétaux continuent et avec les techniques que nous avons désormais, on peut même voir ce qu’il se passe dans une plante quand on la touche.

Lorsqu’on touche une plante, un signal électrique va être généré et celui- ci va parcourir le long de la feuille puis la tige jusqu’à être propagé tout le long de la plante entière. Ce signal électrique est généré quand on touche une plante mais aussi quand une chenille lui croque la feuille ou encore quand on chauffe une partie de celle- ci par exemple. Mais ce signal électrique est également présent dans notre organisme à nous, humain. Ce signal va passer de cellule en cellule et engendrer une réaction. Finalement, quand on parle de signal électrique, on parle d’abord d’un signal, une information qui va circuler, se propager de cellule en cellule en quelques millisecondes à travers l’organisme , c’est vraiment très court ! Et ça dans le but, si nécessaire, d’agir : retirer notre main d’une surface très chaude, avant d’être complètement brûlé, par exemple. On peut représenter une suite d’événements : perception de ce qu’il se passe, le message se produit et l’action en résulte : perception, message, action.


Burdon Sanderson a découvert au 19e siècle que les plantes aussi génèrent ce signal électrique. En réalité, les signaux électriques sont générés chez toutes les plantes, et par exemple quand on les touche : même si on ne voit pas de mouvement rapide, toutes génèrent ces signaux qui vont les traverser. La circulation de ce signal est un message qui va porter une information dans le but de permettre à la plante de répondre à ce qui lui arrive de manière adaptée.

En reprenant le cas du mimosa pudica sous la cloche avec l’éther de Claude Bernard qui ne répond plus à la stimulation du toucher : aujourd’hui nous savons pourquoi, c’est parce que l’éther empêche la circulation de ce signal électrique ! Il n’y a plus la transmission du signal, et donc la plante ne ferme plus ses feuilles. Elle est devenue insensible à ce qu’il se passe.

D’ailleurs, on parle d’anesthésique, en tant que substance utilisée pour provoquer une anesthésie, c’est-à-dire une perte de sensation dans tout le corps ou dans une région spécifique. Et d’anesthésiant pour tout produit induisant une anesthésie, de façon plus générale.

Pour en savoir plus :

Les plantes ont donc la capacité d’être anesthésiées… Et cette découverte (pas vraiment récente), apporte des questions.

En premier lieu, pourquoi tout le vivant est anesthésiable ?

Et en second lieu, si les définitions des anesthésiques se référent

- A une perte de sensibilité, est ce que les plantes peuvent être considérées comme étant sensibles ?

- Et qu’en est-il de l'absence de conscience, est-ce que les plantes ont une conscience ?

En tout cas, le débat est en cours au sein de la communauté scientifique. On peut voir des titres d’articles scientifiques tels que

  • L’anesthésie générale, une sonde pour explorer la conscience

  • Comprendre l’anesthésie, pourquoi la conscience est essentielle pour la vie et non pas basé sur les gènes

  • Anesthésique et plante : pas de douleur, pas de cerveau, et donc pas de conscience.

    Epopée à suivre !

Articles de référence en anglais :

  • Pavlovič, A., Libiaková, M., Bokor, B., Jakšová, J., Petřík, I., Novák, O., & Baluška, F. (2020). Anaesthesia with diethyl ether impairs jasmonate signalling in the carnivorous plant Venus flytrap (Dionaea muscipula). Annals of Botany, 125(1), 173‑183. https://doi.org/10.1093/aob/mcz177

  • ​​Böhm, J., Scherzer, S., Krol, E., Kreuzer, I., von Meyer, K., Lorey, C., Mueller, T. D., Shabala, L., Monte, I., Solano, R., Al-Rasheid, K. A. S., Rennenberg, H., Shabala, S., Neher, E., & Hedrich, R. (2016). The Venus Flytrap Dionaea muscipula Counts Prey-Induced Action Potentials to Induce Sodium Uptake. Current Biology, 26(3), 286‑295. https://doi.org/10.1016/j.cub.2015.11.057

  • Scherzer, Sönke, Shouguang Huang, Anda Iosip, Ines Kreuzer, Ken Yokawa, Khaled A. S. AL-Rasheid, Manfred Heckmann, et Rainer Hedrich. 2022. « Ether anesthetics prevents touch-induced trigger hair calcium-electrical signals excite the Venus flytrap ». Scientific Reports 12. https://doi.org/10.1038/s41598-022-06915-z.

  • Adamatzky, A., Gandia, A. Fungi anaesthesia. Sci Rep 12, 340 (2022). https://doi.org/10.1038/s41598-021-04172-0

Plant de Coca et fruits d'où provient la cocaïne. (source : Wikimedia)

Paracelse (source : Wikimedia)

Claude Bernard dispense une leçon . 1889

(source : Wikimedia)

Expérience de traitement à l'éther du Mimosa pudica

(source : Wikimedia)

Elles ont été réalisées par les étudiants du M2 Espace et milieu : territoire écologique et du M2 Ecosystème et biodiversité : expertise écologique de l’Université Paris Cité, leurs chroniques dévoilent des résultats de recherches en quelques minutes, un travail consciencieux et réalisé avec beaucoup d’entrain dont nous avons étés particulièrement enchantées d’être à côtés pendant la réalisation. 🤝