LES PLANTES

Il est temps d'explorer

Les mouvements des végétaux : une véritable capacité d’action

🍃🌿 Avez-vous déjà vu une plante bouger ? Pensez-vous qu’elles en sont capables ? Et si oui, comment ?

PODCASTDOCUMENTAIRE

10/25/202411 min read

Un arrêt sur image ou plutôt une accélération en vidéo, nous allons voir que même si, s’intéresser aux mouvements chez les plantes, paraît d’un premier abord plutôt contre intuitif, c’est une étude qui, en tout cas, a démarré depuis des années, et qui est source de nombreuses découvertes.
Puisque dans notre inconscient les plantes ne bougent pas, ont tendance à être immobiles, car il est vrai qu’avec notre perception, à nos yeux, il est impossible, à part quelques exceptions, d'observer des mouvements chez les plantes.
C’est là que ça devient intéressant de s’arrêter, pourquoi pas faire un pas de côté et regarder ce qu’il en est vraiment de cette mobilité végétale.
Nous allons voir au long de cet épisode que le mouvement, en tout cas la perception que nous en avons, ne tient qu’à une chose : l’échelle de temps.
Quand on parle de mouvement, on parle au niveau de l’étymologie de la capacité à se mouvoir. Aujourd’hui la définition renvoie au déplacement de soi même en tant qu’organisme ou uniquement une partie de son corps, de son être, concernant les humains. Cela inclut donc la mobilité des membres et le déplacement dans l’espace. C’est une définition intéressante quand porte un intérêt certain aux plantes et que l’on sait qu’elles sont par définition fixes… du moins la plupart !

Ces études montrent l'intérêt à ce qui peut être, une fois de plus invisible à nos yeux, à notre échelle, sans outils. Nous allons donc d’abord nous intéresser aux mouvements chez les plantes, comme étant la capacité d’une ou plusieurs parties de la plante à se mouvoir.

On pourrait classer les mouvements des plantes en trois catégories en fonction de leur durée.

Il y a des mouvements qui sont plutôt rapides, de l’ordre de la seconde ou un petit peu moins : ce sont des mouvements que l’on peut voir à l'œil nu.

D’autres sont plutôt de l’ordre d’une ou plusieurs minutes, on peut donc s’en rendre compte rapidement.

Et enfin, les mouvements d’une durée de plusieurs heures que l’on peut observer en utilisant un artifice tel que filmer et visualiser le film en accéléré ensuite.


Les mouvements que l’on qualifie de très rapides sont plutôt rares dans le monde du végétal. On connaît bien sûr la dionée, cette plante insectivore dont on parle souvent dans RPPL qui possède des pièges à insectes qui se referment en quelques ms sur leur proie. On a déjà abordé également le mimosa pudica dans d’autres épisodes (dont celui sur les capacités des plantes à être anesthésiées), qui est une plante, aussi appelée la sensitive, qui a les feuilles qui se replient quand on les touche. Et ces deux exemples sont des mouvements d’une rapidité telle que nous les voyons à vue d’œil, à notre échelle de temps.

Dans ces deux cas, se sont des feuilles que l’on peut voir bouger. Ces mouvements sont possibles grâce à une sortie d’eau très rapide de certaines cellules placées à un endroit spécifique, la jointure des feuilles, un peu comme une articulation. Cette sortie d’eau instantanée provoque l’atrophie de ces mêmes cellules entraînant un mouvement d’une partie de la plante. Une sorte de moteur hydraulique. Par contre, les cellules mettent plus de temps à se remplir d'eau et c’est pourquoi le mouvement inverse est beaucoup plus long en général, de quelques heures.


Et les plantes n’ont pas fini de bouger. En particulier lors de leur croissance. Vous avez peut être déjà vu des vidéos accélérées de tige de haricot qui pousse ou de liane. On voit nettement sur les images la tige faire des cercles ou des mouvements de serpents. Et bien ces mouvements, visibles seulement en accéléré, ont plutôt lieu sur des échelles de plusieurs heures et sont possibles grâce à des croissances ou élongation cellulaires dissymétriques provoquant ainsi des courbures vers un côté ou l’autre : les cellules s’élargissent de façon non symétrique, ce qui entraîne ces courbures !

C’est également ce qu’on peut observer chez les plantes qui cherchent la lumière et qui se courbent vers la fenêtre par exemple. Elles ont bougé pour se diriger vers la lumière. On voit ici l’intérêt de ces mouvements lents, il s’agit d’explorer son environnement ou se diriger vers ce dont la plante a besoin, ou , à l’inverse, ce qu’elle cherche à eviter.

Il faut savoir que ces mouvements médiés par la croissance de la plante ont également lieu dans les racines qui, cela a été montré, peuvent se diriger vers une source sonore par exemple.



Pour en savoir plus :

"The power of movement in plants" par Charles et Francis Darwin(source : Wikimedia)

Mimosa pudica feuilles ouvertes en haut et fermées en bas (source : Wikimedia)

Stomate de feuille de tomate vue au microscope électronique (source : Wikimedia)

Dionée et son piège à mouvement rapide
Dionée et son piège à mouvement rapide

ÉTYMOLOGIE

Mais alors, mouvement ou pas pour les végétaux ? L’étude des mouvements chez les plantes s’est grandement accélérée ces dernières années avec les progrès technologiques de prises de vidéo et en analyse d’image. Mais ça n’est pas un domaine qui date d’hier. L’un des premiers à s’intéresser aux mouvements chez les plantes fut Charles Darwin qui, publie avec son fils Francis Darwin en 1896 un livre nommé “La puissance du mouvement des plantes”. Dans ce livre, père et fils étudient les mouvements des tiges et des feuilles de haricots grâce à un dispositif ingénieux. Par la suite, avec les progrès technologiques, les études des mouvements des plantes ont explosé et de plus en plus de scientifiques se sont penchés sur la question. Aujourd’hui l’étude des mouvements des plantes est faite par un ensemble de disciplines, qui se complète : dont les biologistes, les physiciens, les mathématiciens mais également les bio-informaticiens. Et cela nous promet de bien belles découvertes à venir … Car oui, les plantes bougent… et ce même constamment…

LES PLANTES QUI BOUGENT A VU D'OEIL.

D’ailleurs, ces mouvements rapides ont parfois lieu dans des cellules qui n’ont pas de conséquence visuelle pour nous (on ne voit pas ce qu’elles induisent). C’est le cas des stomates, ces pores situés sous les feuilles, entourés de deux cellules, qu’on appelle cellules de garde, qui se remplissent et se vident d’eau : cela entraîne la fermeture ou l’ouverture de la cavité qui se trouve au centre. Et il s’agit bien là d’un mouvement rapide, de quelques secondes. Il faut savoir, d’autre part que les cellules, une fois gonflées à bloc d’eau, ont une pression interne de 1000 fois celle qui est exercée dans un ballon de baudruche !

Courbure de la tige entrainant le mouvement dû à une élongation asymétrique des cellules périphérique (source : Wikimedia)

courbure de la tige entrainant le mouvement dû à une élongation asymétrique des cellules périphériqu
courbure de la tige entrainant le mouvement dû à une élongation asymétrique des cellules périphériqu

GENESE

Dionée et son piège qui se referme rapidement sur une proie (source : Wikimedia)

Stomate
Stomate

Tagawa, Kazuki, Haruka Osaki, et Mikio Watanabe. « Rapid flower closure of Drosera tokaiensis deters caterpillar herbivory », 2022. https://doi.org/10.1098/rsbl.2022.0373.

Dumais, Jacques, et Yoël Forterre. « “Vegetable Dynamicks”: The Role of Water in Plant Movements ». Annual Review of Fluid Mechanics 44, no 1 (2012): 453‑78. https://doi.org/10.1146/annurev-fluid-120710-101200.

Darwin, Charles. « The Power of Movement in Plants », 1880. https://books.google.fr/books?hl=fr&lr&id=G2kVCgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA1&dq=Darwin+C.+The+power+of+movement+in+plants.+London:+John+Murray;+1880.&ots=ZwRpVZ-swB&sig=QOt2eOdiMOQKlqiEpd1WYhAyD_I&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false.

Brattland, Vegard, Ivar Austvoll, Peter Ruoff, et Tormod Drengstig. « Image processing of leaf movements in Mimosa pudica ». Lecture Notes in Computer Science (including subseries Lecture Notes in Artificial Intelligence and Lecture Notes in Bioinformatics) 10269 LNCS (2017): 77‑87. https://doi.org/10.1007/978-3-319-59126-1_7.

Dumais, Jacques, et Yoël Forterre. « “Vegetable Dynamicks”: The Role of Water in Plant Movements ». Annual Review of Fluid Mechanics 44, no 1 (2012): 453‑78. https://doi.org/10.1146/annurev-fluid-120710-101200.

Et plus les scientifiques cherchent, plus ils et elles trouvent des actions végétales qui s’expriment par le mouvement.

En particulier une petite plante, insectivore également, qui s’appelle Drosera tokaiensis si vous voulez aller voir à quoi elle ressemble : cette plante est magnifiquement délicate, on dirait que de nombreuses gouttes d’eau sont présentes sur ses feuilles. Et bien chez elle, se sont les pétales des fleurs qui vont bouger, et ce de facon assez rapide quand on a pour référence le monde des plantes ! Alors vous allez me dire, ok mais moi je connais des plantes dont les fleurs se ferment la nuit et se rouvrent le jour ! Oui, c’est vrai, mais là le mouvement a lieu sur une demie heure voire une heure et c’est lié aux alternances jour / nuit et à l’horloge biologique. Alors que là chez cette petite plante, les pétales se referment en 15 min max lorsqu’un prédateur, genre une chenille, attaque la fleur.

Et donc, pour protéger ses organes reproductifs, les pétales se referment, et dans la plupart des cas, cela fonctionne car si on colle les pétales, l’ovule, situé dans la fleur, est systématiquement mangé ! Pas folle la fleur !

Fermeture de la fleur de drosera en présence de chenille (source : cf références en bas de page)

LES PLANTES QUI BOUGENT A LEUR RYTHME

Mouvement accéléré d'une plante

(source : wikimedia)

Justement, le haricot a aussi ses feuilles qui bougent. Elles bougent vers le bas la nuit puis se redressent la journée, favorisant ainsi la photosynthèse par exposition des feuilles au soleil. Ces mouvements portent le nom de nasties, caractérisés comme étant non orientées et durent généralement plusieurs heures, ils sont tout de même médiés par des cellules qui se trouvent à la base du pétiole de la feuille (la tige qui part de celle ci), c’est la même structure que celle dont on vous parlait pour les mouvements rapides des dionées et Mimosa pudica. On appelle cela un pulvinus.

Vous avez peut-être également en tête le tournesol, dont on dit qu’il suit le soleil, d’où son nom. Et bien c’est le même processus de croissance qui a lieu pour cette inflorescence, au stade de floraison. En effet, les jeunes capitules floraux du tournesol doivent se trouver à l’est au lever du soleil car ils attirent les insectes pollinisateurs de cette manière. Au cours de la journée, le côté Est du pédoncule floral (au-dessous) s’allonge, amenant ainsi le capitule à l’Ouest. Et pendant la nuit, c’est le phénomène inverse qui se produit jusqu’à amener l’inflorescence à l’Est pour le lever du soleil.


LES MOUVEMENTS PASSIF

Bon, tous ces mouvements sont dit actifs, car ils impliquent une action de la plante et sont la résultante d’une signalisation cellulaire : de nombreux mécanismes au niveau de la cellule se mettent en place pour permettre ces phénomènes. Mais les plantes vont encore plus loin dans leur manière de se mouvoir. Ainsi, des mécanismes passifs entraînent des mouvements par leur simple ou plutôt complexe, structure physique.

Par exemple, les graines d’une espèce d’érodium, une jolie plante vivace à fleur, ont une petite excroissance en tire bouchon qui s’enroule ou se déroule en fonction du taux d’humidité dans l’air pour se planter littéralement dans le sol. Grace à cette petite excroissance les graines s’insèrent et assurent donc la pérennité de l’espèce ! D’ailleurs, ce phénomène a été une source d’inspiration pour des scientifiques qui ont ajouté cette excroissance en tire bouchon de façon artificielle à d’autres graines : et ont ensuite largués ces graines pour qu’elles couvrent un maximum de surface. Cette expérience dont je vous fait part à été utilisé pour aider à la reforestation dans des sites difficiles d’accès.



Graine d'Erodium (source : Wikimedia)

Un autre mouvement intéressant, et que nous pouvons voir dans nos vies de tous les jours sont les mouvements des pommes de pin, par exemple : alternant entre ouverture et fermeture, elle peut disperser ses précieuses graines au moment opportun. Ses écailles sont composées de plusieurs couches de tissus, incluant une couche hydrophobe qui repousse l'eau, permettant ce mouvement en fonction de l'humidité ambiante. Lorsqu'elle est exposée à l'eau, l'une de ses couches se dilate, se gonflant d'eau, tandis que l'autre reste stable. Cette différence de comportement provoque une courbure de ses écailles, les faisant basculer et s'ouvrir.



LES PLANTES QUI SE DEPLACENT

C’est indéniable, les plantes bougent, mais, en revenant à notre définition de tout à l’heure, se déplacent-elles ? Puisque le propre des plantes c’est d’être fixé à un seul endroit. Mais peut être pas toujours ni même pas tant que ça…

D’abord, si l’on considère une microalgue verte, elle a des flagelles ( comme les spermatozoïdes ) qui lui permettent de se déplacer. Donc ce végétal marin se déplace, à proprement parlé dans l’eau.

Ensuite, si l’on considère les graines comme les descendances des plantes, elles sont dispersées par le vent, les marées ou les animaux à des kilomètres de la plante mère parfois. De ce point de vue, on peut considérer qu’elles se déplacent !

Enfin, quand on prend en considération le fait que les plantes sont capables de générer un nouvel individu clonal grâce à la reproduction végétative: on parle bien du même individu, identique en tout point de vue, ADN compris. Alors, on réalise que les plantes se déplacent sur un territoire par cette multiplication jusqu’à le coloniser complètement parfois. C’est le cas de la forêt de Pando aux Etats unis qui est constitué d’un seul et même organisme de Peuplier faux tremble et cela sur 43 hectares, rien que ça ! Au passage, il est considéré comme l’être vivant le plus âgé au monde , au minimum 14 000 ans selon les dernières estimations des scientifiques.

Alors, plantes fixes mais en mouvement ? Constamment !




forêt de Pando
forêt de Pando

Oui, les plantes, bien que souvent perçues comme immobiles, sont en réalité en mouvement constant, mais à des échelles de temps et d'espace qui échappent souvent à notre perception.

Ce mouvement est une réponse active aux événements externes, comme la lumière, l'humidité, la gravité, ou encore les variations de température.

En les observant attentivement, on peut voir que les plantes agissent sur leur environnement tout en s'y adaptant.