LES PLANTES
Il est temps d'explorer
L’odeur des plantes : dit moi ce que tu sens, je te dirais qui tu attires
Pourquoi certaines plantes sentent-elles si bon ? 🍀👃🏻Quels rôles jouent les odeurs et sont elles parfois moins bonnes voir inodores à notre nez ? Les plantes communiquent-elles à travers les odeurs qu'elles émettent ?
PODCASTDOCUMENTAIRE
Dans cet épisode, nous décryptons le rôle des odeurs chez les plantes et leur diversité.
Tout cela nous en apprendra plus sur les intéractions des plantes avec leur environnement.
Nous avons toutes et tous été confronté à une odeur délicate de rose dans un bouquet, une effluve qui nous envoute au détour d’un chemin ou même se surprendre à froisser une feuille de menthe et d’en sentir ensuite le bout de ses doigts. Alors oui, on va s’intéresser à pourquoi les plantes sont odorantes car il se trouve qu’en plus de sentir bon à notre nez, et d’ailleurs c’est parfois l’inverse, certains effluves servent aux plantes à communiquer !
Pour en savoir plus :
Les composés organiques volatils (COV) sont les médiateurs de la pollinisation en particulier, en attirant les insectes vers les fleurs.
Ces odeurs des plantes douces à notre nez dont la rose, utilisée depuis longtemps pour ses vertus odorantes.
Un peu d'étymologie :
Le mot odeur provient du latin odor qui se rapporte au parfum. Au XIIe siècle par exemple ; la définition de l’académie française décrit “ la Sensation que produisent sur l’odorat de nombreuses substances d’origine animale, végétale, minérale, ou des parfums synthétiques.”
L’odorat c’est le sens défini par l’être humain qui perçoit les odeurs. Par ailleurs, le CNRTL définit les odeurs comme une “émanation propre à un corps pouvant être perçue par l’homme ou par un être animé grâce à des organes particuliers et avec des impressions diverses (agréables, désagréables, indifférentes)”.
Donc , pour résumer, les plantes émettent des COV qui, si nous les sentons avec notre odorat, sont des odeurs.
Le géraniol est une molécule odorante de la famille des terpénoïdes produite par les plantes de la famille des géraniaceae (les géraniums)
Bisrat, D., Jung, C., 2022. Roles of flower scent in bee–flower mediations: a review. J. Ecol. Environ. 46, 1–13. https://doi.org/10.5141/jee.21.00075
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Clémence Rose et al. Observations of biogenic ion-induced cluster formation in the atmosphere.Sci. Adv.4,eaar5218(2018).DOI:10.1126/sciadv.aar5218
Observations of biogenic ion-induced cluster formation in the atmosphere.Sci. Adv.4,eaar5218(2018).DOI:10.1126/sciadv.aar5218
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Spracklen, Dominick V, Boris Bonn, et Kenneth S Carslaw. « Boreal forests, aerosols and the impacts on clouds and climate ». Philosophical Transactions of the Royal Society A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences 366, no 1885 (30 septembre 2008): 4613‑26. https://doi.org/10.1098/rsta.2008.0201.
En anglais :
Il faut savoir qu’il y a plusieurs types d’odeurs produites par les plantes, les odeurs qui proviennent des fleurs et celles provenant de la plante elle-même (feuilles ….etc). Ces odeurs peuvent être perceptibles par notre odorat ou ne pas l’être. C’est pourquoi en réalité les odeurs sont ce qu’on appelle des COV pour Composés Organiques Volatiles.
Chez les plantes qui dit plantes à fleurs, dit odeur et ceci depuis le crétacé , soit il y a 120 millions d’années où l’association avec les abeilles pollinisatrices a débuté. Cette association est bénéfique à l’une (à la plante) puisqu’elle facilite la dispersion de ses graines et donc de la survie de l'espèce. Et à l’autre (à l’insecte), en lui apportant de la nourriture. Ce bénéfice à double branche est médié par les parfums des fleurs qui servent aux abeilles à localiser les fleurs épanouies, mais nous en parlerons plus en détail à la suite de cet épisode.
1- Fleurs odorantes pollinisateurs
Si on s’intéresse pour commencer aux parfums des fleurs donc, il a été montré qu’une odeur de fleur peut être composée jusqu’à 1700 composés volatils différents , il s’agit donc d’un mélange complexe qui dépend à la fois de l’âge de la fleur, du génotype et de l’état de pollinisation de la fleur. Les pollinisateurs ont appris au fil du temps à associer une composition odorante de fleur et une récompense alimentaire, associations qui sont parfois spécifiques entre un insecte et une plante particulière. Mais figurez vous qu’il y a aussi des odeurs qui sont répulsives pour des insectes florivores, voire herbivores et protègent ainsi les organes reproducteurs de la plante.
Ces odeurs ou COV font partie de familles de molécules plutôt petites et donc volatiles ; par exemple les terpénoïdes qui sont produits de façon courante chez les plantes et qui font partie du métabolisme secondaire, c'est-à-dire non indispensable à la plante pour croître. Je suis sûre par exemple que vous avez déjà senti le géraniol, propre aux géraniums, un peu citronné.
D'autre part, chez les orchidées entre autres, c’est que les fleurs émettent une composition chimique identique à celle des phéromones sexuelles de l’abeille pollinisatrice femelles, et ainsi les mâles sont trompés et tentent de s'accoupler avec les fleurs, facilitant ainsi la pollinisation. Et il existe même certaines orchidées qui font évoluer leur émission de COV pour ne pas être visitées deux fois par un pollinisateur.
La deuxième grande catégorie de molécules participant aux odeurs émises par les plantes sont les benzénoïdes : la vanilline en fait partie par exemple (odeur de la vanille). Ces composés sont supposés être très utiles dans la pollinisation par des pollinisateurs nocturnes puisque la vue est moins utile mais aussi pour les attirer à distance que se soit la nuit ou le jour.
Et la troisième catégorie et non des moindres se sont les acides gras volatiles que l’on peut trouver par exemple chez les fleurs tropicales qui produisent des huiles alléchantes et attirent ainsi les pollinisateurs.
La vanilline est une molécule odorante benzénoïde produite par la vanille.
Il existe également des fleurs qui vont émettre des odeurs nauséabondes comme Amorphophallus titanum. Cette plante est la plus grande inflorescence non ramifiée au monde (2.5 m de hauteur). Elle a également été surnommée la “plante cadavre” vous pouvez donc imaginer l’odeur qui s’en dégage. Et ceci dans le but, vous l’avez compris, d’attirer les insectes attirés normalement par les charognes comme les mouches ou les bousiers.
Il y a aussi les Rafflesia, c’est une famille de plantes qui produit des fleurs parmi les plus grandes également et qui sont pollinisées aussi par des mouches charognardes, attirées par une odeur fétide de la fleur. Petit mélange de di et trisulfure de diméthyle qui correspondent aux odeurs de l’ail et du soufre. Leur système de pollinisation est d’ailleurs passionnant car la structure et les couleurs de la fleur mâle sont telles qu’elles vont guider les mouches pile poil là où pourra se déposer le pollen en haut du thorax de la mouche et ainsi aller féconder la fleur femelle. Une fois sur la fleur femelle, elles sont obligées de passer à travers un anneau étroit, obligeant ainsi le pollen à être projeté sur les stigmates de la fleur pour la féconder.
Pour en revenir à ses odeurs fétides, vous avez peut-être déjà senti les ovules de Ginkgo Biloba (appelé aussi Arbre aux quarante écus)? Cet arbre produit ce qui pourrait faire penser à des fruits sont en fait les ovules de l’arbre femelle. Ces ovules ont une odeur de vomi (sympa) et pour lesquels on a montré qu’ils attiraient les charognards, des canidés principalement, qui vont ingérer le tout dans lequel se trouve une amande fécondée ou non. Ils vont ensuite déféquer le tout et disperser comme ça les amandes qui donneront ou non des futurs arbres.
Oui car dans l’interview d’Hayat Bouteau, nous parlons “graines” et on a pu apprendre, figurez vous que certaines graines sont obligées de passer par un transit intestinal pour pouvoir par la suite germer.
Inflorescence d'Amorphophallus titanum., la "plante cadavre"
Fleur de Rafflesia.
Feuilles et ovules de Ginkgo Biloba
2 - Plantes aromatiques
Il n’y a pas que les fleurs qui émettent des odeurs et parfois il s’agit de la plante en entier ou d’une partie de la plante : les tiges, les feuilles …etc. Ces plantes, on les connaît souvent sous le nom d’herbes aromatiques ou d’épices pour les plantes dites utilitaires comme le romarin, l’origan, la cannelle, la lavande … et bien d’autres encore. Le plus souvent ces odeurs sont dues à des molécules du type polyphénols ; c’est une famille de molécules, présente dans le règne végétal. Ça comprend des cycles que l’on dit “aromatiques”, et sont solubles dans l’eau.
Ces polyphénols sont très nombreux dans le règne végétal et ont souvent des propriétés antimicrobiennes, antioxydantes, antifongiques et anti-inflammatoires, bref vous l’avez compris, cela explique pourquoi les plantes qui les produisent sont beaucoup utilisées par l’être humain et cela depuis 5000 ans.
Mais les plantes aromatiques possèdent également d’autres composés odorants lipidiques (acides gras) qu’on appelle aussi huiles essentielles, sans surprise. Effectivement, nous extrayons les huiles essentielles des plantes et nous nous en servons pour différents usages. Les huiles essentielles, une fois extraites de ses plantes, sont concentrées en molécules antioxydantes, antifongiques … etc mais le revers de la médaille c’est que cette forte concentration peut s’avérer aussi cytotoxique, c’est à dire toxique pour les cellules de notre corps. Attention alors à leur utilisation qui doit être toujours réfléchie.
Alors du point de vue de la plante, pourquoi produit-elle des arômes / huiles essentielles ? Et bien il a été montré que les HE attirent les ennemis d’herbivores et qu’elles jouent également un rôle dans l’attraction des pollinisateurs ou des disséminateurs de graines, un peu comme les COV des fleurs. Mais aussi dans les interactions de plantes à plantes !
Polyphénol présent dans le romarin : le carnosol.
3- Odeurs qu’on ne sent pas et communication entre plantes
Plantes - plantes :
Les plantes sont vraiment surprenantes, on en apprend toujours. D’ailleurs, comme on a pu l'évoquer au début, elles émettent des odeurs que nous - humains ne percevons pas. On parle dans ces cas-là surtout de composés organiques volatils, et non d’odeur. Même si nous aussi nous émettons des COVs. Nous allons voir que par ses composées et d’autres, les plantes sont capables de modifier leurs environnements.
J’aimerais vous faire part d’un exemple. Il existe une plante parasite des plants de tomates. Cette plante, faisant partie des cuscutes, qui est une famille de plantes parasites, est petite, et n’a des réserves que pour pousser, elle doit trouver une plante sur laquelle s’accrocher pour pouvoir vivre. Lorsqu’on met cette plante parasite dans un pot en plein milieu et sur un côté un plant de tomate, on voit que la plante parasite va se diriger vers le plant de tomate. Mais comment sait-elle que l’autre plante est dans cette direction ? C’est parce que chaque plante a une signature olfactive spécifique. C’est comme ça que la plante parasite trouverait ses repères. La cuscute peut également différencier une plante saine d’une plante malade, elle n’ira pas ou que très peu sur la plante malade.
Le souci c’est qu’aujourd’hui nous ne sommes pas capables d’étudier directement dans les champs les COVs qui y sont émises : on le fait plutôt petit à petit en laboratoire. Peut-être qu’un jour nous saurons déchiffrer les échanges qui ont lieu dans ce type de situation… Ce qui est sûr, c'est que les COVs émises par les plantes sont un champ de communication à explorer.
Les théories actuelles proposent que cette communication serait due à des récepteurs que les plantes auraient, qui percevaient les effluves lâchés par les plantes. Ces effluves proviennent de glandes odorantes présentes sur les plantes. C’est comme des poches, on peut les voir au microscope électronique. D’ailleurs en cherchant j’ai appris que celles de la lavande étaient très grandes comparé aux autres glandes : ce qui explique sa forte odeur. Donc, pour résumer : les tomates ont une odeur spécifique (comme toutes les plantes), qui est diffusée grâce à des glandes sécrétrices présentes sur les feuilles, la cuscute grâce à ces récepteurs les reconnaît et va donc pouvoir se diriger vers elle. En tout cas, la chercheuse biologiste qui explique cette expérience, parle de « sensibilité » des cuscutes. Cette expérience montre que les cuscutes sont capables de reconnaître les composés organiques volatiles de la tomate.
Cuscute en fleur entourant son hôte..
Un autre exemple nous amène en Afrique du Sud où les antilopes Koudou raffolent des feuilles d’acacias. Pourtant, dès lors que ces animaux sont élevés dans un enclos rempli de ces arbres, ils vont tous mourir de faim. Ces observations sont lointaines, mais ce n’est plus un mystère. Quand l’antilope va manger la feuille, la salive de celui-ci va entraîner chez la plante une réaction : elle va sécréter du tanin. Ce qui va rendre ses feuilles indigestes. Mais ce n’est pas tout : l’acacia va alors produire une substance chimique, l’éthylène, pour avertir ses voisins. Le signal chimique sera diffusé dans l’air, ayant pour but de prévenir les congénères de la même espèce et de se préparer à une attaque éventuelle. L’animal contourne le problème en remontant le vent pour manger les feuilles des acacias non-avertis, ce qu’il ne peut pas faire dans un enclos ! Il va mourir de faim. Cette expérience est pionnière de ce thème. Pourtant, cette étude reste discutée du fait de manque de données statistiques poussées. Mais à partir de celle-ci en a découlé de nombreuses expériences, qui permettent de dire aujourd’hui que c’est possible.
Plantes - animaux :
Ces COVs permettent aussi aux plantes de communiquer avec les animaux : comme on l’a vu au début, lorsqu’une fleur est prête à être pollinisée elle va envoyer des COVs qui auront pour message "venez manger mon nectar", d’ailleurs Francis Hallé le dit “le sens est très très clair, Viens, viens me voir, il y a quelque chose à manger pour toi dans mes fleurs”. Les animaux vont les transporter et vont pouvoir permettre la pollinisation de plantes qui peut être à des kilomètres. Une fois qu’elles sont pollinisées, les fruits sont verts et pas mûrs : les messages envoyés sont de ne pas venir, les animaux se tiennent à distance pendant cette période. Pour revenir une fois que les fruits seront mûrs et qu’il faudra alors disperser les graines.
Il y a donc des insectes qui sont utilisés par les plantes et qui les utilisent (d’ailleurs dans ces cas là on parle de relation symbiotique). Mais il y a aussi des insectes dit “ravageurs”.
Pouvons nous utiliser les COV pour éloigner ces insectes des plantes ? C’est aussi une des questions étudiée. À Avignon, des chercheurs étudient l'effet des COV par des plantes appelées plantes de service. Le but : ajouter des plantes qui expriment des COVs qui auront in fine comme impact de protéger les plantes du champ initial des pucerons. Ces COV sont essentiellement aromatiques et ont un effet sur le comportement et les performances des pucerons. Oui, ils ont montré que les COVs libéré par ces “plantes de service” sont répulsives pour le puceron et vont perturber son comportement alimentaire, diminuer sa fécondité et aussi son développement larvaire, et donc sa survie. Ils ont également remarqué que ce n’est pas dépendant d’un COV particulier mais bien de plusieurs COV ensemble : ils parlent de “bouquet olfactifs” spécifique. Toutefois, reproduire ces expériences en milieu ouvert est très compliqué.
Pour conclure :
Les plantes sont capables de communiquer, même si il y a 30 ans comme le disent certains botanistes, cette idée aurait été considérée comme impossible. La science progresse, de nouvelles capacités sont montrées, et celle-là nous tenait à cœur car elle illustre une sensibilité des plantes que trop peu connues. Immobiles certes, les plantes utilisent tout de même la communication. C’est ici une communication chimique mais elle va leur permettre d'interagir entre elles, de s’adapter à leur environnement et de survivre.